À l’image de Greta Thunberg, l’activiste suédoise de 21 ans, les jeunes sont souvent perçus comme étant plus écologistes et plus engagés. Une problématique que prennent à cœur les entreprises afin d’attirer des profils intéressants et dynamiques. De manière plus péjorative, les jeunes sont souvent vus comme exigeants, capricieux, voire donneurs de leçons vis-à-vis de leurs aînés. Ceux-ci seraient moins à la page sur les questions de RSE (notamment). Mais comme souvent avec ce type de débat générationnel, les véritables chiffres font percevoir une réalité plus contrastée. Les jeunes salariés sont-ils véritablement plus écolos que leurs aînés ? À l’occasion de la journée mondiale des compétences des jeunes, Kolabee vous éclaire sur la question !
Qu’est-ce qu’un jeune ?
Bonne question… qui ne trouve pas véritablement de réponse concrète ! Les études sur la jeunesse utilisent des tranches d’âge différenciées qui oscillent entre 15 et 35 ans… Les termes Génération Y (1981-1996) et Génération Z (1997-2012) connaissent un grand succès dans le débat public. Mais, là encore, les dates varient dans la bouche de chaque interlocuteur. Dans cet article, on tentera de spécifier systématiquement la tranche d’âge traitée.
Une écologie en mots… mais pas en actes
Arrachons le pansement (biodégradable) d’un coup sec : les jeunes sont hypocrites !
Eh oui, nous aussi ça nous brise le coeur 💔
En matière d’écologie, le bilan est plutôt sombre. Certes, les jeunes placent l’écologie très haut dans leurs préoccupations. Beaucoup sont éco-anxieux : une étude de l’Université de Bath a montré qu’en 2021, 60% des 16-25 ans étaient très inquiets, voire extrêmement inquiets vis-à-vis de la question climatique. 45% affirmaient que cela affectait de manière négative leur vie quotidienne (dormir, manger, se divertir, étudier…). On appelle parfois la Génération Z les “sustainable natives”, soit une génération qui a été biberonnée aux rapports du GIEC, à l’atteinte du dépassement des limites planétaires, etc. Bref, l’éco-anxiété se trouverait dans leur ADN.
Mais cette inquiétude ne se traduit malheureusement pas en actes. En effet, le comportement des jeunes au quotidien n’est pas radicalement différent de celui de leurs aînés en ce qui concerne la question écologique… C’est même pire : les 15-24 font moins d’efforts dans le tri de leurs déchets, la réduction des emballages, l’achat de légumes de saison, et l’économie d’énergie des appareils électroniques.
Les jeunes font un peu mieux dans le domaine des transports
Un petit rayon de soleil : les jeunes se distinguent (faiblement) dans le domaine des transports. Selon une équipe de chercheurs du CRÉDOC, ils utilisent un peu plus la bicyclette, le covoiturage et les transports en commun. Un bilan à contraster tout de même :
- 12 à 15% des moins de 25 ans considèrent qu’un SUV est “désirable”, contre 6-10% pour les plus de 50 ans…
- 42% des moins de 35 ans avouent avoir déjà jeté des déchets par la fenêtre de leur voiture, dont des mégots de cigarette (!). Par comparaison, la moyenne française est de 27% toutes générations confondues.
Rappelons également que des critères financiers entrent en jeu. Selon les chercheurs du CRÉDOC, les jeunes se tournent vers les transports en commun, ou encore, les objets reconditionnés, car ils ont moins de pouvoir d’achat. Difficile de dire si ces comportements vertueux résisteraient à un enrichissement de ces générations.
Enfin, les jeunes ne sont pas beaucoup mieux informés que leurs aînés sur les questions climatiques. Une étude Ipsos de 2021 montre que 47% des 18-35 ans pensent que la réalité du réchauffement climatique n’a pas été démontrée scientifiquement (!).
Les jeunes sont-ils plus exigeants envers les entreprises concernant l’écologie ?
Les jeunes ont la réputation d’être plus exigeants que leurs aînés envers les entreprises concernant les questions RSE. Certes, 82% des jeunes (18-30) considèrent que le respect de l’environnement est un critère important dans le choix de leur emploi. Un critère qui arrive… en 8ème place ! Bien loin derrière le salaire et l’ambiance (92%).
Ce chiffre (82%) est encore moins impressionnant s’il est comparé à celui des seniors : 87% se disent préoccupés ou très préoccupés par les problèmes environnementaux et leurs conséquences. Bref, les motifs d’engagement ne sont pas radicalement différents d’une génération à l’autre.
Cependant, 70% des 18-30 ans affirment être capables de renoncer à un recrutement au sein d’une entreprise qui ne prendrait pas en compte les enjeux environnementaux (+5 points entre 2022 et 2023).
La RSE : une notion qui parle aux jeunes
Les jeunes sont plutôt à l’aise avec la notion de RSE : 27% des 15-24 savent précisément de quoi il s’agit, contre 20% toutes générations confondues. On le voit, la RSE reste un concept mal connu en France, et sa familiarité recule avec l’âge. Cela est sans doute dû au fait qu’il s’agit d’un concept qui n’a pris de l’importance que relativement récemment. Comme on l’a vu plus haut, une méconnaissance de la RSE n’est pas synonyme d’un mépris pour les questions écologiques. Elle trahit simplement une difficulté de la part des générations plus anciennes à s’emparer d’un nouveau lexique.
Toutefois, dans les discours des jeunes, l’entreprise idéale est fortement teintée par des concepts RSE : valeurs internes fortes (49%), taille humaine (42%), engagement sociétal, solidaire, environnemental (33%), utilité sociale (33%), etc. Ces chiffres contrastent fortement avec les sociétés multinationales, qui ne font plus rêver que 12% des répondants, ou les start-ups portées vers les nouvelles technologies (14%).
En outre, les jeunes (18-30) font attention aux actions mises en place par les entreprises, notamment dans les domaines :
- Égalité salariale entre hommes et femmes (85%) ;
- Équilibre vie professionnelle/vie personnelle (85%) ;
- Inclusion des personnes handicapées (81%) ;
- Préservation de l’environnement (80%).
De nouvelles formes d’engagement
Encore une fois, ces discours jurent avec la réalité. La désaffection des jeunes vis-à-vis de la politique et des élections est bien connue : 75% d’abstention aux élections législatives chez les 18-24 en 2022, et 41% aux présidentielles… De même, l’engagement syndical dégringole : 3% pour les moins de 30 ans, contre 15% pour les plus de 50 ans…
Cependant, le bénévolat a le vent en poupe : dans une étude du Cneso de 2018 menée auprès de 6000 terminales, 44% d’entre eux disaient s’impliquer dans des organisations humanitaires ou environnementales.
En bref, il semble que les jeunes se détournent des institutions traditionnelles d’engagement (élections, syndicats), qu’ils perçoivent peut-être comme poussiéreuses ou inefficaces. On vous laissera décider si c’est une bonne chose…
Le mécénat de compétences : une nouvelle forme d’engagement ?
Dans un contexte de renouvellement des formes d’engagement, les entreprises s’adaptent. Il existe aujourd’hui des dispositifs qui permettent aux jeunes et aux moins jeunes de s’engager dans le cadre professionnel. C’est notamment le cas du mécénat de compétences, qui permet à un salarié de s’engager sur des missions d’intérêt général tout en continuant à recevoir son salaire.
D’un côté, l’organisation d’intérêt général bénéficie d’un travail bénévole de qualité, tandis que l’entreprise, elle, bénéficie d’une décote de 60% sur les charges sociales du salarié mobilisé. De plus en plus de jeunes en quête de sens se tournent aujourd’hui vers le mécénat de compétences, lequel leur permet d’accomplir des missions variées sans aucune contrainte.
Pour les jeunes, le mécénat de compétences peut prendre la forme d’un intercontrat, d’un congé solidaire, ou d’un projet en continu. Contactez-nous afin d’en savoir plus !
Conclusion : faut-il en finir avec la guéguerre des générations ?
De quelle manière les jeunes se distinguent-ils de leurs aînés ?
- Une connaissance accrue des concepts liés à la RSE ;
- Des attentes plus fortes vis-à-vis des entreprises dans ces domaines ;
- Un abandon des vieilles formes d’engagement au profit du bénévolat.
Globalement, les différences avec les générations précédentes ne sont pas probantes. Pour ce qui concerne l’entreprise, les jeunes veulent toujours la même chose que les moins jeunes : un bon salaire, une bonne ambiance (92%), l’autonomie (89%) et les avantages type RTT, etc. (88%).
On peut se demander si ces chiffres ne remettent pas en cause la pertinence du saucissonnage générationnel. Plutôt que d’opposer les boomers et les générations Y et Z, ne vaudrait-il pas mieux privilégier un découpage en classes sociales ?
Sources :
RICHER, Martin, “12 idées reçues sur le rapport des jeunes au travail et à l’entreprise”, site Management & RSE
« Les jeunes et la prise en compte des enjeux écologiques dans les études et le monde du travail – Harris interactive pour : Pour un réveil écologique », juillet 2023
Marks Elizabeth et al. (2021) “Young People’s Voices on Climate Anxiety, Government Betrayal and Moral Injury: A Global Phenomenon”
Alina Koschmieder, Lucie Brice-Mansencal, Sandra Hoibian, « Environnement : les jeunes ont de fortes inquiétudes mais leurs comportements restent consuméristes », Crédoc, Consommation et mode de vie n° 308, décembre 2019
« Modes de production, sobriété et efficacité énergétique : état des lieux sur les comportements et attitudes des Français », étude Ipsos Public Affairs pour RTE, 2023
« Face aux crises, les Français comptent sur l’entreprise ; Troisième Baromètre sur la relation des Français à l’entreprise », étude de L’Institut de l’entreprise, mars 2023
« Les 18-30 ans face à un travail en mutation », Enquête de ViaVoice pour Manpower, publiée en juin 2017
Sondage OpinionWay pour Le Parisien et McDonald’s, juillet 2023
Cneso, Enquête nationale sur l’école et la citoyenneté, 2018
« Mythes et réalités de la fracture générationnelle », L’Express, 18 mai 2022
L’Express du 25 mai 2022
Le Figaro, 18 juin 2022